Bouguen : Différence entre versions
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+ | Souvenirs du quartier de Bouguen avant, puis pendant, la seconde guerre mondiale. | ||
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− | + | <DIV STYLE="text-align:justify;">Le quartier du Bouguen était une enclave de la Ville de [[is_city::Brest]] dans un triangle limité au nord-ouest par le terrain militaire des fortifications, au sud-ouest par l'arsenal installé dans la vallée de la [[Penfeld]], à l'est par la vallée du Moulin à Poudre. C'était essentiellement un groupe d'une trentaine de pavillons individuels parfois à un étage, avec jardin pour la plupart, et d'un immeuble collectif, tout en longueur, d'un étage et sous-sol semi-habitable, avec quatre entrées, le tout constituant une vingtaine de logements. Ce n'était donc qu'un petit quartier de 200 à 250 habitants, situé dans Brest ''intra-muros'', mais se donnant un peu des airs de « Ville à la campagne ».</DIV> | |
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− | <DIV STYLE="text-align:justify;">Le quartier du Bouguen était une enclave de la Ville de [[is_city::Brest]] dans un triangle limité au nord-ouest par le terrain militaire des fortifications, au sud-ouest par l'arsenal installé dans la vallée de la [[Penfeld]], à l'est par la vallée du Moulin à Poudre. C'était essentiellement un groupe d'une trentaine de pavillons individuels parfois à un étage, avec jardin pour la plupart, et d'un immeuble collectif, tout en longueur, d'un étage et sous-sol semi-habitable, avec quatre entrées, le tout constituant une vingtaine de logements. Ce n'était donc qu'un petit quartier de 200 à 250 habitants, situé dans Brest ''intra-muros'', mais se donnant un peu des airs de | ||
<DIV STYLE="text-align:justify;">À part la prison, la seule habitation de la route du Bouguen, était un café, implanté au même endroit que le café actuel. Il s'était doté, dans un hangar attenant, d'un jeu de boules en bois sur deux allées en terre battue entourées de planches. Un peu plus haut, à l'emplacement du parking actuel, se dressait, sur un monticule de terre, un majestueux chêne plus que centenaire qui semblait garder l'entrée du quartier. Ce café étant le seul commerce, le lieu de ravitaillement le plus proche était l'[[Harteloire]] et, au-delà, les halles Saint-Louis et les commerces du centre ville. Les déplacements se faisaient pédestrement au moins jusqu'à la porte de la Brasserie, desservie par la ligne de tramway Lambézellec-Brest qui grimpait gaillardement la rue de Portzmoguer. Il en allait de même pour les écoliers qui empruntaient, quatre fois par jour le trajet Bouguen-Harteloire et au-delà. Assister aux offices religieux, qui avaient lieu à l'église Saint-Louis, paroisse dont dépendait le Bouguen, était une véritable expédition.</DIV> | <DIV STYLE="text-align:justify;">À part la prison, la seule habitation de la route du Bouguen, était un café, implanté au même endroit que le café actuel. Il s'était doté, dans un hangar attenant, d'un jeu de boules en bois sur deux allées en terre battue entourées de planches. Un peu plus haut, à l'emplacement du parking actuel, se dressait, sur un monticule de terre, un majestueux chêne plus que centenaire qui semblait garder l'entrée du quartier. Ce café étant le seul commerce, le lieu de ravitaillement le plus proche était l'[[Harteloire]] et, au-delà, les halles Saint-Louis et les commerces du centre ville. Les déplacements se faisaient pédestrement au moins jusqu'à la porte de la Brasserie, desservie par la ligne de tramway Lambézellec-Brest qui grimpait gaillardement la rue de Portzmoguer. Il en allait de même pour les écoliers qui empruntaient, quatre fois par jour le trajet Bouguen-Harteloire et au-delà. Assister aux offices religieux, qui avaient lieu à l'église Saint-Louis, paroisse dont dépendait le Bouguen, était une véritable expédition.</DIV> | ||
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<DIV STYLE="text-align:justify;">La population du Bouguen n'était guère différente du reste de la population brestoise sauf, peut-être, une représentation ouvrière plus importante. Les opinions politiques, philosophiques ou religieuses étaient, il me semble, aussi diversifiées qu'ailleurs. Une majorité des habitants dépendait de la Marine ou de l'Arsenal pour leur travail, comme beaucoup de Brestois. En fait le Bouguen bénéficiait (ou souffrait, selon les circonstances) d'un relatif isolement. Le pont Schuman n'était encore qu'un projet lointain, et la côte du Bouguen, raide, empierrée, bordée d'un côté par un fossé où l'eau cascadait les jours de pluie, n'était guère engageante.</DIV> | <DIV STYLE="text-align:justify;">La population du Bouguen n'était guère différente du reste de la population brestoise sauf, peut-être, une représentation ouvrière plus importante. Les opinions politiques, philosophiques ou religieuses étaient, il me semble, aussi diversifiées qu'ailleurs. Une majorité des habitants dépendait de la Marine ou de l'Arsenal pour leur travail, comme beaucoup de Brestois. En fait le Bouguen bénéficiait (ou souffrait, selon les circonstances) d'un relatif isolement. Le pont Schuman n'était encore qu'un projet lointain, et la côte du Bouguen, raide, empierrée, bordée d'un côté par un fossé où l'eau cascadait les jours de pluie, n'était guère engageante.</DIV> | ||
− | <DIV STYLE="text-align:justify;">Pour cette raison, sans doute, s'y était créer une manière de vivre particulière. Tout le monde se connaissait et l'ambiance était au respect mutuel, voir à la solidarité. Un coup de main entre voisins était normal. Les jeunes organisaient leurs loisirs en commun. Grâce aux fortifications l'espace ne manquait pas. Des | + | <DIV STYLE="text-align:justify;">Pour cette raison, sans doute, s'y était créer une manière de vivre particulière. Tout le monde se connaissait et l'ambiance était au respect mutuel, voir à la solidarité. Un coup de main entre voisins était normal. Les jeunes organisaient leurs loisirs en commun. Grâce aux fortifications l'espace ne manquait pas. Des matchs de foot étaient improvisés près de la grande poudrière. Certaines soirées ou après-midi de loisir, étaient animées. Les jeux des enfants étaient influencés par une nature très présente : chasse aux grillons (cri-cri) qui pullulaient, aux hannetons, cueillette de fleurs ou fruits sauvages : coucou, violettes, pervenches, mures, prunelles etc... Les « grands » organisaient des virées à vélo. Dame, après la porte Castelnau c'était la campagne, [[Guilers]], [[Saint-Renan]], [[Le Conquet]] ou [[Portsall]]. Les plus jeunes avaient inventé un jeu inédit qui frôlait la compétition : « le grimpé aux arbres ». Les arbres recouvraient les fortifications (qu'on appelait « les Forts »). Ceux qui étaient accessibles, ou certains d'entre eux, dans un parfait consensus, étaient classés selon la difficulté qu'il présentait à l'escalade. Au fond de la rue de Lille, les habitants du bâtiment voisin, avaient aménagé un jeu de « galoche » qui se joue, je crois, avec des palets en fer. Mais ce jeu était réservé à certain initiés.</DIV> |
<DIV STYLE="text-align:justify;">La manifestation collective la plus importante de l'année était, sans conteste, le feu de la Saint-Jean. Longtemps avant le 24 juin, profitant des longues soirées printanières, les jeunes coupaient des branches d'arbres, et, dans un grand nuage de poussière, les traînaient jusqu'au bas de la rue de Roubaix où elles séchaient en attendant la fête. Les enfants organisaient une collecte dans chaque maison pour acheter : pétards, feux de Bengale, soleils et autres artifices de circonstances. Le soir de la saint-Jean, à la tombée de la nuit, devant la population rassemblée, le feu était allumé, à la grande satisfaction de tous, au tas de branchage installé au croisement des rues du Bouguen et de Roubaix.</DIV> | <DIV STYLE="text-align:justify;">La manifestation collective la plus importante de l'année était, sans conteste, le feu de la Saint-Jean. Longtemps avant le 24 juin, profitant des longues soirées printanières, les jeunes coupaient des branches d'arbres, et, dans un grand nuage de poussière, les traînaient jusqu'au bas de la rue de Roubaix où elles séchaient en attendant la fête. Les enfants organisaient une collecte dans chaque maison pour acheter : pétards, feux de Bengale, soleils et autres artifices de circonstances. Le soir de la saint-Jean, à la tombée de la nuit, devant la population rassemblée, le feu était allumé, à la grande satisfaction de tous, au tas de branchage installé au croisement des rues du Bouguen et de Roubaix.</DIV> | ||
− | <DIV STYLE="text-align:justify;">Cette vie paisible, saine et somme toute agréable, se déroulait dans l'ambiance et l'environnement créés par notre puissant voisin : l'Arsenal (comme l'appelait mon père bretonnant depuis sa naissance en 1889, et non pas | + | <DIV STYLE="text-align:justify;">Cette vie paisible, saine et somme toute agréable, se déroulait dans l'ambiance et l'environnement créés par notre puissant voisin : l'Arsenal (comme l'appelait mon père bretonnant depuis sa naissance en 1889, et non pas « arsanailh », n'en déplaise à certain ayatollah linguiste). Ou plutôt l'arsenal du fond de Penfeld qui, à cette époque, était le cœur de la construction navale. Sur la hauteur, le plateau du Bouguen, était autant dire au balcon. En dessous, juste en dessous, derrière le mur qui longe la côte, la zone industrielle où se construisaient les coques des navires : l'atelier des bâtiments en fer (par « bâtiments » il faut entendre navires en fer par opposition à navires en bois), où se tracent, se découpent, se forment tôles et membrures, les deux cales de construction, dites l'une des croiseurs, l'autre des sous-marins où s'effectue l'assemblage des coques.</DIV> |
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[[Image:Reste du logement collectif rue de lille.jpg|400px|center|]] | [[Image:Reste du logement collectif rue de lille.jpg|400px|center|]] | ||
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<center><font color="grenn">L'Harteloire vue du plateau du Bouguen après la libération</font color></center> | <center><font color="grenn">L'Harteloire vue du plateau du Bouguen après la libération</font color></center> | ||
+ | [[Fichier:L'harteloire vue du plateau du Bouguen.jpg|400px|center]] | ||
− | + | <DIV STYLE="text-align:justify;">La libération de la plupart des villes de France fut vécue dans la joie et dans la fête. Ce ne fut pas le cas à Brest, bien que tout le monde éprouva un immense soulagement au départ de l'occupant et au retour de la liberté. Mais le désastre était trop grand. Devant les maisons détruites, les larmes étaient plus fréquentes que les cris de joie. Il fallut attendre la capitulation de l'Allemagne, le 8 mai 1945 pour qu'une manifestation spontanée se déroula à Brest. Ce soir là, je vis de « La Cité » (qui devint plus tard Place de la Liberté), une foule immense remplissant à perte de vue la rue Jean Jaurès, chacun tenant à bout de bras une baguette de poudre allumée. Une mer de feu qui criait sa joie : « La guerre est finie ! La guerre est finie !!! ».</DIV> | |
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− | <DIV STYLE="text-align:justify;">La libération de la plupart des villes de France fut vécue dans la joie et dans la fête. Ce ne fut pas le cas à Brest, bien que tout le monde éprouva un immense soulagement au départ de l'occupant et au retour de la liberté. Mais le désastre était trop grand. Devant les maisons détruites, les larmes étaient plus fréquentes que les cris de joie. Il fallut attendre la capitulation de l'Allemagne, le 8 mai 1945 pour qu'une manifestation spontanée se déroula à Brest. Ce soir là, je vis de | ||
<DIV STYLE="text-align:justify;">Le bilan de la catastrophe établi, les responsables de le cité, politiques ou administratifs, se trouvèrent, on l'imagine aisément, face à des problèmes gigantesques. Il s'agissait ni plus ni moins que de rebâtir une ville entière. Ils prirent alors d'importantes décisions : construire une ville provisoire pour loger sur place le personnel nécessaire à la reconstruction et à la remise en marche de l'Arsenal et tous les acteurs économiques indispensables. Pour réaliser ce programme, il fallait trouver des terrains disponibles, c'est-à-dire publics. Parmi les surfaces appartenant à l'État, les fortifications étaient les plus importantes. Après accord des autorités concernées, il fut donc décidé de les raser. Cette décision fut par la suite critiquée par certains, mais il fallait choisir entre la préservation d'un patrimoine architectural et historique intéressant et l'urgence de reloger une population nécessaire à la résurrection de la ville.</DIV> | <DIV STYLE="text-align:justify;">Le bilan de la catastrophe établi, les responsables de le cité, politiques ou administratifs, se trouvèrent, on l'imagine aisément, face à des problèmes gigantesques. Il s'agissait ni plus ni moins que de rebâtir une ville entière. Ils prirent alors d'importantes décisions : construire une ville provisoire pour loger sur place le personnel nécessaire à la reconstruction et à la remise en marche de l'Arsenal et tous les acteurs économiques indispensables. Pour réaliser ce programme, il fallait trouver des terrains disponibles, c'est-à-dire publics. Parmi les surfaces appartenant à l'État, les fortifications étaient les plus importantes. Après accord des autorités concernées, il fut donc décidé de les raser. Cette décision fut par la suite critiquée par certains, mais il fallait choisir entre la préservation d'un patrimoine architectural et historique intéressant et l'urgence de reloger une population nécessaire à la résurrection de la ville.</DIV> | ||
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Un habitant de la rue de Roubaix, évacué avec quelques irréductibles le 14 août 1944 apporte un témoignage vécu qui permet de préciser certains points du récit. | Un habitant de la rue de Roubaix, évacué avec quelques irréductibles le 14 août 1944 apporte un témoignage vécu qui permet de préciser certains points du récit. | ||
− | '''Les fusillés de 1944''' : Fin 1943 ou début 1944, l'occupant, envisageant une possible attaque de la citadelle brestoise par voie de terre, décida de fermer, côté douve, par des murs de béton, les tunnels de la porte Castelnau et de l'abri côté Moulin à Poudre (voir | + | '''Les fusillés de 1944''' : Fin 1943 ou début 1944, l'occupant, envisageant une possible attaque de la citadelle brestoise par voie de terre, décida de fermer, côté douve, par des murs de béton, les tunnels de la porte Castelnau et de l'abri côté Moulin à Poudre (voir § 1). Ceci au grand dam des usagers qui ne se sentaient plus en sécurité dans l'abri à une seule issue. Conséquence de cette décision : l'accès aux douves par la porte de Castelnau n'étant plus possible, les exécutions eurent lieu désormais dans le stand de tir, situé non loin de là, à l'intérieur des fortifications où furent dressés les poteaux d'exécution. Le père de ce témoin, alors chef de bureau à la Mairie, lui a confié que l'occupant exigeait la présence du Maire de Brest, Monsieur Euzen, à ces exécutions. |
'''Les canons de D C A''' : En fait ces deux pièces anti-aériennes, ainsi que les fumigènes furent enlevées aux début de l'année 1944. Lorsque les premiers réfugiés revinrent, après la reddition le 18 septembre, pour constater le désastre, ils aperçurent un canon de 88, au blindage perforé à la place qu'avait occupé l'un des canons de DCA. Cette pièce d'artillerie tenait sous son feu l'accès par Kérinou et une partie de l'arsenal. | '''Les canons de D C A''' : En fait ces deux pièces anti-aériennes, ainsi que les fumigènes furent enlevées aux début de l'année 1944. Lorsque les premiers réfugiés revinrent, après la reddition le 18 septembre, pour constater le désastre, ils aperçurent un canon de 88, au blindage perforé à la place qu'avait occupé l'un des canons de DCA. Cette pièce d'artillerie tenait sous son feu l'accès par Kérinou et une partie de l'arsenal. | ||
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+ | Plus de photos, et de souvenirs, sur le site [http://lebouguen-lesbaraques.infini.fr Nos souvenirs d'hier] | ||
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Version du 9 mars 2017 à 23:14
Souvenirs du quartier de Bouguen avant, puis pendant, la seconde guerre mondiale.
LES HABITATIONS ET LES HABITANTS |
Quelques précisions obtenues après la rédaction du texte initial.
Un habitant de la rue de Roubaix, évacué avec quelques irréductibles le 14 août 1944 apporte un témoignage vécu qui permet de préciser certains points du récit.
Les fusillés de 1944 : Fin 1943 ou début 1944, l'occupant, envisageant une possible attaque de la citadelle brestoise par voie de terre, décida de fermer, côté douve, par des murs de béton, les tunnels de la porte Castelnau et de l'abri côté Moulin à Poudre (voir § 1). Ceci au grand dam des usagers qui ne se sentaient plus en sécurité dans l'abri à une seule issue. Conséquence de cette décision : l'accès aux douves par la porte de Castelnau n'étant plus possible, les exécutions eurent lieu désormais dans le stand de tir, situé non loin de là, à l'intérieur des fortifications où furent dressés les poteaux d'exécution. Le père de ce témoin, alors chef de bureau à la Mairie, lui a confié que l'occupant exigeait la présence du Maire de Brest, Monsieur Euzen, à ces exécutions.
Les canons de D C A : En fait ces deux pièces anti-aériennes, ainsi que les fumigènes furent enlevées aux début de l'année 1944. Lorsque les premiers réfugiés revinrent, après la reddition le 18 septembre, pour constater le désastre, ils aperçurent un canon de 88, au blindage perforé à la place qu'avait occupé l'un des canons de DCA. Cette pièce d'artillerie tenait sous son feu l'accès par Kérinou et une partie de l'arsenal.
Plus de photos, et de souvenirs, sur le site Nos souvenirs d'hier